Professeur Jacques Menetrey

Professeur Jacques Menetrey est chirurgien orthopédique, médecin du sport et co-responsable du Centre de Médecine du sport et de l’Exercice de Hirslanden Clinique La Colline labellisé Swiss Olympic Medical Center.

Passionné de sport et ancien skieur alpin de haut niveau, il est également médecin responsable du Genève Servette Hockey Club (GSHC), membre de l'équipe médicale Swiss-ski (Équipe homme alpine), médecin du Ballet du Grand-Théâtre de Genève et directeur médical IAM Cycling.  

Mais cela n’est qu’une partie de son activité, car Professeur Menetrey n’a de cesse d’explorer les champs des connaissances et de recherches qu’offrent la chirurgie orthopédique et la médecine sport.

En décembre prochain, il présidera le Congrès de la Société Francophone d'Arthroscopie à Genève et il a récemment été élu président de l’ESSKA (European Society for Sports Traumatology, Knee Surgery and Arthroscopy).

Il nous parle du rôle de cette société, de sa nomination et de sa vision de l’avenir dans cette période trouble de Covid-19.

Professeur Jacques Menetrey, vous avez été récemment élu président de l’ESSKA : European Society for Sports Traumatology, Knee Surgery and Arthroscopy.

Quel est le rôle de cette société ?

La société européenne de chirurgie du genou, de traumatologie du sport et d’arthroscopie (acronyme anglais « ESSKA ») regroupe des chirurgiens et médecins du sport en lien avec ces spécialités médicales. Elle comprend 10’000 membres, dont 3’500 membres actifs représentant toute l’Europe et le reste du monde (35% de nos membres sont localisés en dehors de l’Europe).

Portée sur l’innovation et la recherche, plus de 48 sociétés lui sont affiliées, ce qui fait d’elle la plus importante société de spécialistes en orthopédie d’Europe.

Elle a 2 missions principales : tout d’abord l’éducation ; transmettre des informations basées sur la qualité et l’excellence scientifique, organiser des cours de technique chirurgicale et ainsi, permettre à nos confrères de tous les pays de se former et/ou d’acquérir les dernières connaissances et techniques dans leur domaine d’activité.

Puis une mission plus communautaire, professionnelle : celle de donner un cadre de pratique dans le but d’améliorer la qualité des soins aux patients. Dans cette optique, nous transmettons une information scientifique, vérifiée, professionnelle utile à nos membres pour leurs pratiques quotidiennes (ex. : COVID-19 Guidelines ).

En tant que président, quel est votre fonction et pour combien de temps ?

J’ai été élu président pour 2 ans. Le mandat complet de la « Presidential line » dure 8 ans : 2 ans comme « Second Vice-President », 2 ans comme « First Second-Vice President », 2 ans comme « President » et pour finir 2 ans comme « Past President ». Je suis donc déjà à la moitié ! (rires)

Je gouverne différents groupes scientifiques et opérationnels, en collaboration avec le secrétaire général et 13 autres personnes situées dans nos bureaux au Luxembourg.

J’ai un rôle de facilitateur entre les différents groupes, études scientifiques, initiatives d’éducation. Bien entendu, j’endosse également un rôle de leadership pour que les missions et les objectifs de la société soient implémentés et réalisés dans les 2 ans de ma présidence.  

Je consacre environ 15% de mon temps à cette mission. Le temps dédié à la représentation est important et bien qu’en période de Covid-19 les voyages soient diminués, l’activité reste considérable. Toutes les contraintes liées à la pandémie génèrent une charge de travail qui est décuplée par l’obligation de toujours devoir envisager de faire des plans A, et B, et C, et D.  

 

 

Un des événements majeurs est votre Congrès qui se tient tous les 2 ans. Cette année, celui de Milan a été reporté à mai 2021 à cause du Covid-19.

Comment gérer les annulations de congrès, symposiums, cours, etc. organisés par l’ESSKA et maintenir les échanges scientifiques ?

 

Nous étions une des premières sociétés à reporter notre Congrès. Au début, beaucoup de personnes n’ont pas compris ce choix qui était précoce quant à la visibilité que nous avions sur l’évolution de la pandémie (nous étions en mars 2020). Mais nous avons été conseillés par des confrères épidémiologistes afin de prendre les bonnes décisions et soutenus par les Centres de Congrès qui nous ont permis de décaler les dates.

C’est un travail énorme. Il faut le vivre pour s’en rendre compte. Reporter un tel événement inclus de  contacter et de gérer des centaines de personnes impliquées dans toute l’organisation.

Cependant, nous avons fait face et décidé de continuer notre mission d’éducation.

Nous avons poursuivi les activités scientifiques en accentuant l’utilisation des technologies digitales : conférences en ligne, mails, télétravail, newsletters, etc. Bien que nous ayons dû annuler tous nos cours et réunions présentielles, nous avons développé des webinaires, qui ont été un énorme succès auprès de toutes les sociétés.

Ainsi, par la création de matériel digital, de cours en ligne, de vidéos, de conférences enregistrées, nous avons pu continuer de transmettre et réussi à maintenir les échanges scientifiques.

Nos motos et ce qui dicte notre stratégie en cette période est: Caution! Risk management! Flexibility! Creativity! Quality! 

Pensez-vous que cette pandémie ait été finalement l'occasion de développer une autre manière de transmettre et qu’elle sera pérenne dans la future organisation ?

 

La difficulté est toujours source de créativité. Pour maintenir notre mission, nous avons été forcés de développer tout l’enseignement digital, qui était un aspect sur lequel nous n’étions pas leaders. Désormais, nous créons quotidiennement un contenu professionnel sous diverses formes digitales, qui est mis à disposition de nos membres sur notre Académie (plateforme d’enseignement en ligne).

Nous avons également changé notre façon d’interagir et je pense que l’on ira de plus en plus vers des modèles plus hybrides. Dans ce sens, ces contraintes ont été un stimulus fantastique.

Cependant dans la gestion d’une société il y a des choses qui sont très importantes et dont nous sommes privés aujourd’hui : ce sont les « petits moments ». Le partage d’un café, le déjeuner en petit groupe, les discussions sur les « mindfull walk » … Ces « petits moments » qui font que tu crées une identité, une culture, un esprit et qui font que ton groupe, ta compagnie, ton association fonctionne correctement selon certaines valeurs et principes.

Ces moments nous manquent à tous et c’est ce qui ressort de mes échanges avec mes confrères. Nous sommes en relation, mais pas connecté. Dans l’opérationnel, aucun problème, le digital fonctionne à merveille. Pour ce qui est plus créatif, stratégique, là où les échanges doivent murir, évoluer, être rediscutés, c’est plus compliqué.

Quelle est votre vision de l'ESSKA à 2 ans ?

 

C’est un défi de faire exister une société telle que la nôtre en ces temps de Covid-19 et bien entendu, le premier objectif est d'assurer sa pérennité.

D’un point de vue scientifique je suis assez confiant. Les 15 prochains mois vont être décisifs et nous nous concentrons sur la préparation de nos événements majeurs : le Congrès de Milan en mai puis les « Speciality Days » en septembre prochain à Varsovie et pour finir en avril 2022 le Congrès de Paris. Nous travaillons avec tous nos différents groupes pour développer des recherches originales que nous pourrons présenter lors de ces différentes réunions scientifiques. C’est donc une période de travail intense dans l’ombre.

Du point de vue économique, nous sommes dans l’expectative, car nos partenariats avec l’industrie sont fragilisés par cette situation. Nous espérons retomber bientôt dans une certaine normalité.

Auteur : Julie Landaut